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« Avec la crise, il va certainement y avoir un regain d’intérêt pour le prospectus »

25 avril 2022
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Avec l’inflation, nombreux sont celles et ceux qui, quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle, s’organisent pour améliorer leur pouvoir d’achat : chasse aux promotions, aux coupons de réduction, et plus généralement à tout ce qui leur permettra de faire baisser le montant du ticket de caisse. Aïda Mimouni Chaabane, chercheuse au CNRS et Maître de Conférences HDR- CY Cergy Paris Université, et co-auteur de « Attitude à l’égard des prospectus : influence des bénéfices et coûts perçus », avec Béatrice Parguel revient sur cette démarche qui n’est pas toujours vécue comme une contrainte, mais aussi souvent comme une façon plus intelligente (« smart »), voire distrayante, de faire ses courses.

Un média privilégié

Aïda Mimouni Chaabane, chercheuse au CNRS et Maître de Conférences HDR- CY Cergy Paris Université

Dans ce domaine, pas de doute : le prospectus reste l’allié N°1 des prospecteurs de bonnes affaires. Cette dimension « distrayante » était déjà soulignée par les enseignantes-chercheuses du CNRS Béatrice Parguel et Aïda Mimouni Chaabane en 2020 dans leur étude « Attitude à l’égard des prospectus : influence des bénéfices et coûts perçus ». Mais désormais, la défense du pouvoir d’achat redonne avant tout au prospectus toute sa dimension d’utilité et de média privilégié. Baisses de prix, promotions, achats par lots… Des informations mises en avant dans les prospectus et qui sont d’autant plus importantes en temps de crise.

Dans « Attitude à l’égard des prospectus : influence des bénéfices et coûts perçus », vous évoquiez l’attachement des Français au prospectus, mais aussi des menaces qui pesaient sur ce média (coût pour les distributeurs, crise environnementale, tentation du digital…). Comment voyez-vous la situation du prospectus aujourd’hui ?

Aïda Mimouni Chaabane : Il y a des tendances fortes qui sont toujours là, mais il y a eu aussi plusieurs évolutions. Au moment où nous avons réalisé l’étude, en 2020, le débat sur prospectus papier et prospectus digital (et leur impact environnemental) battait son plein, mais la tendance n’était pas au retrait du papier. Au cours des deux dernières années, il y a eu une accélération avec des acteurs majeurs, comme Carrefour ou Ikea, qui ont pris position en faveur du digital. Cela dit, personnellement, je n’ai pas encore trouvé d’étude fiable, scientifique, qui arrive à montrer que le prospectus digital a un meilleur bilan carbone que le prospectus papier.

La grande distribution n’a pas massivement décidé d’arrêter le papier…

A.M.C. : Non. Il y a eu un effet d’aubaine, puisque c’était aussi économiquement intéressant, mais la grande révolution a été plutôt d’utiliser conjointement les deux supports. Il serait pour moi aberrant de vouloir remplacer l’un par l’autre. Et en ce qui concerne les moments forts de l’année (Pâques, la rentrée, Noël…) la grande distribution reste sur des prospectus papier, qui sont qualitatifs et vont jouer sur la dimension du plaisir.

A lire aussi : Noël : Jamais sans mon catalogue ! – La Revue du Prospectus

Autre évolution depuis notre étude : une utilisation plus intelligente des datas collectées avec le prospectus. Une bonne combinaison entre les deux peut constituer un outil puissant de ciblage, avec des mini-prospectus personnalisés, en fonction des achats déjà effectués et de la zone de chalandise.

Et pour les tendances fortes qui perdurent ?

A.M.C. : Le prospectus, quel que soit son format, digital ou pas, reste un média extrêmement important pour la grande distribution. En 2020, il y a une forte chute des investissements en termes de communication tous médias confondus, mais cela n’a pas été le cas pour ce support. Le prospectus a un côté déterminant pour tous les acteurs, que ce soit pour les industriels, les distributeurs ou les clients.

Vous évoquiez dans votre étude la « dimension hédonique » du prospectus, liée au plaisir. Elle est devenue au fil du temps déterminante, plus importante que l’utilité économique ?

A.M.C. : Nous avions noté en 2010, dans une précédente étude, que le thème était aussi très important pour recruter de nouveaux clients. Plus le thème est attractif, plus il est susceptible de permettre de recruter, au même titre que le prix des produits.

[bctt tweet= »Nous avions montré le côté divertissant du prospectus, comme quand on feuillette un magazine de bricolage ou de mode. Un vrai moment de détente, d’évasion… Une dimension hédonique qui prend le dessus sur la dimension économique. » username= » »]

Le côté « smart shopper » – acheteur malin – est également une dimension importante ?

A.M.C. : Oui, elle a été montrée dans les recherches depuis les années 90, notamment par les travaux de Pierre Chandon, de l’INSEAD. Être malin, dénicher la bonne affaire, ne pas payer le prix normal… C’est ce que l’on retrouve à l’origine du succès des start-up comme Ventes privées, par exemple.

Est-ce qu’actuellement, en ces temps d’inflation et de lutte pour préserver le pouvoir d’achat, l’utilité économique n’est pas justement redevenue plus fondamentale ? Faut-il s’attendre à un regain d’intérêt pour ce média ?

A.M.C. : Le prospectus est évidemment un des outils qui contribuent à trouver la solution pour payer moins cher. Donc il va certainement y avoir un regain d’intérêt pour ce support et les distributeurs auront intérêt à l’utiliser et à l’utiliser intelligemment. Dans un prospectus, on trouve des produits promus, mais aussi des produits qui ne sont pas promus, et les clients habituellement n’en sont pas toujours conscients.

En cette période de crise, il faudra faire attention de mettre l’accent sur des promotions réelles et pas seulement sur des effets d’annonce. Il va falloir être à la hauteur des attentes des Français, l’utiliser de façon responsable, ce qui aura un impact sur la fidélisation si les clients constatent qu’un réel effort a été fait sur les prix.

On a vu apparaître ces derniers temps beaucoup d’autres supports ou formules promotionnelles, comme le cashback ou même l’abonnement à certaines enseignes. Comment voyez-vous les choses évoluer ?

A.M.C. : Je pense que l’on ne peut pas ignorer cette tendance. Mais je pense qu’il faut raisonner par cible. L’abonnement, lui, concerne seulement certaines enseignes et s’adresse à un profil de clients spécifique. Pour le prospectus, il faut répondre à la question : quelle est sa cible et quel est son objectif ? Et c’est alors que l’on va pouvoir optimiser son utilisation et son efficacité, en accentuant la personnalisation. Les grandes enseignes possèdent la data et l’expertise dans son exploitation. Il faut utiliser un peu plus les données clients issues des cartes de fidélité notamment et les croiser avec l’utilisation des prospectus, en créant une vraie synergie avec tous les outils qui sont à la disposition des distributeurs.

 

« Avec la crise, il va certainement y avoir un regain d’intérêt pour le prospectus »