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Distribution : comment le Covid-19 a accéléré les transformations

19 mars 2021
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L’étymologie du mot crise en grec, crisis, signifie « nécessité de discerner et de faire un choix ». 2020 aura fort logiquement vu les tendances initiées quelques années plus tôt se confirmer et s’accélérer, pour répondre aux conditions si inhabituelles que la crise sanitaire a provoquées. Durablement ?

2020 aura été une année particulière. Personne n’aurait prédit qu’un virus, dont on ne connait encore précisément l’origine, aurait de telles répercussions : sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l’échelle de la planète entière. L’Histoire jugera, avec le recul nécessaire, des décisions prises, des confinements, des aides, des abandons, des manquements, des conséquences, et du génie déployé pour combattre l’épidémie. Il faudra le temps long, celui de l’analyse à froid.

Quoi qu’il advienne, les conséquences bien tangibles, et de court terme sont bien là. À l’instar de la réaction de la grande distribution. En toute première ligne au plus fort de la pandémie en 2020, elle a dû démontrer des capacités d’adaptation à une cadence plus que soutenue.

Le Podcast du Retail a demandé à Élisabeth Cony, fondatrice de Madame Benchmark et observatrice aguerrie du retail, de faire le point sur ces transformations et leurs conséquences. De livrer son analyse sur cette période si particulière, en somme. Retour sur quelques séquences particulièrement éclairantes des 26 minutes de ce podcast, avec l’aimable autorisation de son éditeur.

 

Entre solidarité et fidélisation

Avant c’était « plan-plan » !

Élisabeth Cony décrit un certain conformisme dans les opérations commerciales de la distribution d’avant crise. Des campagnes rythmées par des événements classiques (le blanc, les soldes, Noël, etc.), un marronnier éprouvé. Seules quelques opérations de nouveaux acteurs (e-commerce et plateformes étrangères), dynamise, voire disrupte, les dispositifs. C’est le cas notamment du Black Friday. Venu de l’autre côté de l’Atlantique, il y a une dizaine d’années, il s’est progressivement greffé dans les campagnes de promotions des enseignes de grande distribution, notamment dans leurs catalogues. Un succès promotionnel qui explique l’essor des French Days, le « Black Friday made in France »

Puis, vint le COVID

Le printemps 2020 a brutalement rebattu les cartes de la relation clients-distributeurs. Confinement total, avec, côté consommateur, la peur du contact, l’angoisse du manque, le traumatisme de la contagion et de ses conséquences. Côté commerce, des magasins fermés, d’autres assiégés, rationnés par la force des choses, et pour lesquels la notion même de promotion perdait tout son sens.

Le reste de l’année 2020 s’est réparti entre fermetures de magasins, de rayons, de mesures sanitaires plus ou moins resserrées, plus ou moins respectées, plus ou moins arbitraires.

Au jeu de la solidarité, certains ont fait mieux que d’autres

Dans un premier temps, celui du confinement complet, les distributeurs ont multiplié les initiatives solidaires. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) annonçait dès mars 2020 que « toutes les enseignes […] alimentaires [avaient] décidé de permettre à l’ensemble du personnel soignant, sur présentation d’un justificatif professionnel […], de pouvoir faire leurs achats sans avoir à attendre, ni à l’entrée du magasin, ni aux caisses, à tout moment de la journée ».

Selon Élisabeth Cony, Monoprix a déroché la palme de l’initiative la plus appréciée du public, avec son opération « Portail Blanc ». Un service de livraison prioritaire pour les soignants qui offrait, en plus, 10 % de réduction sur le panier. Une initiative saluée par ses abonnés Facebook. Pour preuve, c’est son second post en termes d’engagement en 2020 d’après le site spécialisé jebosseengrandedistribution.fr.

Côté personnes âgées, premières victimes du virus, des accès ou des horaires prioritaires ont été aménagés. À noter que Carrefour, via sa fondation d’entreprise, a débloqué un fonds exceptionnel de 3 millions d’euros en faveur des personnes isolées et fragiles.

Le digital à marche forcée

Le digital succède ensuite aux traumatismes de la crise sanitaire. Pour les enseignes soumises à des fermetures aléatoires, l’objectif n’est « pas de vendre à tout prix mais […] de garder le contact avec le client » souligne Élisabeth Cony. En d’autres mots, réussir l’étape suivante, celle du (ou des) déconfinement(s).

E-commerce, paiement sans contact, site internet de la marque, drive, WhatsApp, Messenger… « Comme dans beaucoup de domaines, ces tendances étaient déjà là avant la crise du COVID » assure la fondatrice de Madame Benchmark. « Il y a une accélération absolument incroyable pour continuer à communiquer aux clients alors que, par exemple, pour le commerce alimentaire, il n’y avait plus de prospectus dans les boîtes aux lettres ». En rappelant que « dans les investissements de communication des grandes enseignes françaises, le prospectus […] est le support principal. Après, c’est la promotion, puis les courriers adressés ». Support préféré des Français, notamment des classes modestes, le prospectus s’absente quelques semaines. On comprend que, pour garder le contact, la digitalisation de la communication s’est faite à marche forcée. En déployant, au passage, un peu plus des nouveaux outils tels que les Wallets.

« Il y a eu beaucoup de d’initiatives de la part des enseignes fermées pour continuer à communiquer et à garder le lien avec leur communauté. Ils ont ils ont eu plein d’idées. Je pense à des enseignes comme Jennyfer ou Sergent Major qui qui ont créé des contenus pour donner rendez-vous régulièrement à leurs clients, ou aux enfants des clients, en proposant des jeux, des challenges, des petites émissions, des playlists etc., pour passer du bon temps avec la marque, dans des moments où l’objectif n’était pas de vendre à tout prix » résume Élisabeth Cony.

Promos et RSE : le cocktail 2021 ?

Crise : du sanitaire à l’économique

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si la chute est moins verticale qu’estimée, l’économie française a subi une forte récession en 2020. Le déclin du produit intérieur brut (PIB) est de 8,3 %, selon une première estimation de l’INSEE publiée le 29 janvier. Du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale ! Même constat pour la consommation. Elle accuse sur la même période, une baisse de 5,4 %, notamment en raison de la fermeture de commerces, après un sursaut de 18,2 % (!) au trimestre précédent.

Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que nos compatriotes soient toujours plus attentifs aux prix, aux promotions et aux bons plans. Pour Élisabeth Cony, « les enseignes savent qu’elles ne sont pas à la fin du travail pour savoir quelle offre porter auprès de tel ou tel client et par quel support pour avoir un maximum d’efficacité sur le compte d’exploitation ».

Des lois plus contraignantes pour le retail

Le tout sur fond de mise en œuvre de la loi EGalim. Un contexte qui se durcit pour les enseignes, sans pour autant brider leur créativité. « Sur l’alimentaire les enseignes ne peuvent pas faire des offres de plus de 34 %, mais peuvent les multiplier sur plusieurs rayons. C’est à dire, comme le fait par exemple Leclerc, tous les mercredis avec -30 % sur tout un rayon, puis tout au long de l’année, on change de rayon » précise Élisabeth Cony. Les Etats généraux de l’alimentation imposent des contraintes, mais laissent encore des ouvertures.

« Pour les enseignes soumises à fermetures aléatoires, l’objectif n’était pas de vendre à tout prix,
mais de garder le contact avec le client » Élisabeth Cony – Madame Benchmark

De nouveaux engagements

La crise du COVID ne rime pas uniquement avec digitalisation. Les exigences en matière d’environnement, de traçabilité, de responsabilité en général sont exacerbées par la crise sanitaire. Ainsi des marques que l’on n’attendait pas forcément sur ce terrain se distinguent-elles par des actions que salue Madame Benchmark : « on a vu plein de messages, de nouveaux engagements, fleurir dans toutes les enseignes de mode. Primark, qui ne donne pas forcément l’impression d’être l’enseigne la plus responsable parmi toutes les enseignes de mode, a communiqué sur le fait que leur sac de courses était en kraft, issu de carton et de papier recyclés, qu’ils font des sous-vêtements à partir de plastique recyclé, du coton bio et du denim bio. C’est un sujet que toutes les entreprises de mode ont vraiment pris en main ».

Tout en rappelant que ce sont aussi « des messages concurrentiels ». C’est ceux qui auront les meilleurs messages et les meilleures preuves en termes de poids dans leur offre, qui auront sans doute les bénéfices d’une telle politique. Comme Zalando qui assure que dans trois ans, ils auront 100 % de mode responsable ».

Quel support pour porter ces nouveaux discours ?

Papier ou digital ?

« Un débat dépassé depuis longtemps ! » tranche la fondatrice de Madame Benchmark. « Avec, d’un côté, des Ad Blocks pour le web et, de l’autre, des Stop-Pub pour les boîtes aux lettres, les annonceurs doivent conjuguer les supports. De la même façon, les messages ultra-personnalisés, moins intrusifs, doivent s’allier avec des contenus plus généralistes qui concourent à la découverte de nouveaux produits ou qui s’accordent des comportements changeants des consommateurs, voire en créent de nouveaux ».

La société Eyeo, éditrice de logiciels Ad Blocks, s’est intéressée à leur utilisation par les Français, via une étude réalisée avec YouGov. Il en ressort que nos compatriotes pensent, pour 71 % d’entre eux, que l’utilisation d’un adblocker est justifiée. Ainsi, 40 % des sondés déclarent utiliser un Ad Blocker pour garantir la confidentialité et la sécurité de leur expérience en ligne. Même si 64 % sont bien conscients que la publicité en ligne permet la « gratuité » des contenus. Nous ne sommes plus à un paradoxe près…

Pour les prospectus, le Stop-Pub, créé il y a quinze ans, est sur un peu plus de 20 % des boîtes aux lettres de l’hexagone. Avec un renforcement réglementaire porté par la loi AGEC [1]. Depuis le 1er janvier dernier, toute entreprise qui ne respecte pas le Stop-Pub s’expose à une amende. Ce qui n’était qu’une pratique du marché, devient donc une obligation sanctionnable. Dans cet esprit, le Syndicat de la Distribution Directe propose d’accéder à une nouvelle plateforme afin de signaler le non-respect du dispositif.

Plaidoyer pour « un commerce juste »

Crise sanitaire, crise économique, détresse sociale. Des étudiants aux personnes fragiles, 2020 aura dessiné les contours d’un retail différent. Le tout, en un temps court afin de répondre aux attentes des consommateurs. Le constat d’Élisabeth Cony est sans appel. « Ce que nous a appris cette crise, c’est qu’il faut, quoi qu’il arrive, parler franchement à ses clients ». Et de plaider pour « un commerce juste », c’est-à-dire un commerce responsable, capable de dire quand il « n’est pas parfait » et d’expliciter quand « des choses ne se passent pas forcément bien ». En tout cas avoir « une forme de franchise et de clarté avec ses clients pour garder leur confiance ».

La confiance n’est-elle pas la base du commerce ?

 

Propos recueillis en Janvier 2021 à partir du « Podcast du Retail »
Merci à Philippe Vincent

[1] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet ?
Consultez notre dossier « La crise sanitaire, moteur du changement »

 

 

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