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L’information accessible permet le choix. Et je suis de ceux qui pensent qu’il faut faire confiance aux consommateurs.

25 janvier 2022

Le prospectus est un des outils de la communication directe. Il était normal que nous rencontrions le syndicat représentant les professions de la data et du marketing pour évoquer les conséquences probables de l’expérimentation du Oui-Pub.

Réponses, toutes aussi directes, de sa porte-parole, Nathalie Phan Place.

Portrait

Anciennement SNCD (Syndicat National de la Communication Directe), la DMA France (Data & Marketing Association France) est l’organisme référent sur les problématiques de la donnée marketing multicanale au service des professionnels et des institutionnels.

Sa mission est de fédérer et valoriser les acteurs de l’industrie de la Data et du Marketing en France. Elle regroupe 200 sociétés membres et les accompagne dans l’innovation industrielle et technologique. L’association est à l’origine du label des professionnels de la donnée : le Privacy Protection – Pact, qui permet à chaque organisation le revendiquant, d’affirmer son engagement pour la protection des données personnelles qui lui sont confiées, en allant plus loin que les obligations RGPD.

 Nathalie Phan Place est Secrétaire générale de DMA France depuis une quinzaine d’années. Formée dans une école supérieure de commerce, elle confie avoir voulu retourner à la fac de droit « pour s’attaquer aux données personnelles » et approfondir ses connaissances juridiques en Master 2 Droit des nouvelles technologies, afin d’« asseoir mes réflexions sur des bases plus expertes et plus juridiques ».

Quel regard portez-vous sur l’expérimentation Oui-Pub à venir ?

Nathalie Phan Place : je crois que le terme « expérimentation » n’est pas le bon ! Car, comment tout cela pourrait-il se terminer autrement que par une généralisation ? L’histoire n’est-elle pas écrite d’avance ?

Aujourd’hui, force est de constater que les initiatives contre la publicité, afin de diminuer la consommation, se multiplient. À commencer par l’arrêt sur les chaines de télévision publiques, dans les grandes villes, dans les boites aux lettres… C’est un mouvement de grande ampleur, cautionné par l’État.

Évidemment, pour le secteur, les conséquences seront dramatiques.

Pourtant, le prospectus est apprécié du grand public. En effet, l’étude annuelle BALmétrie-Ipos mesure que 60 % des Français lisent au moins un imprimé publicitaire par semaine.

D’après l’étude Parcours Courrier conduite par le CSA en 2021, 61 % des Français apprécient recevoir des imprimés publicitaires.

En tant qu’organisme référent sur les problématiques de la data marketing multicanale, nous sommes convaincus de l’intérêt et de la place de chaque média de communication directe dans les stratégies de communication des entreprises. Nous défendons le prospectus car nous pensons qu’il est un outil efficace pour les annonceurs qui ont besoin de communiquer et respectueux des consommateurs et de l’environnement. Le courrier publicitaire a parfaitement sa place dans la stratégie de communication des entreprises, surtout quand il n’existe rien d’autre. L’artisan, le restaurateur, le commerce local, aura-t-il les moyens de louer des adresses, de faire appel à des prestataires pour le courrier adressé ? La réponse est non et, le risque, c’est que cela soit finalement au profit des GAFAM !

Pour les grandes surfaces, le cas est différent. Certaines ont déjà fait des annonces et ce sera à suivre. Mais, les personnes, les consommateurs, attendent des informations de prix, surtout à l’occasion d’événements tels que Noël, la rentrée scolaire ou encore la foire aux vins. Grâce au prospectus, beaucoup peuvent faire un choix éclairé. On veut les priver d’une information importante. Ne pas leur donner l’information, c’est ne pas leur donner le choix !

Que vous ont dit vos adhérents ?

N.P-P. : les craintes portent sur les impacts sur l’emploi. Le passage au Oui-Pub signifierait la fin de l’imprimé publicitaire non-adressé pour une raison de modèle économique. Distribuer seulement à celles et ceux qui auraient accolé un autocollant Oui-Pub sur leurs boites aux lettres serait trop hétérogène, trop étendu sur un territoire, et donc trop cher à gérer.

Les conséquences directes sur l’emploi de toute la filière seraient inévitables. De l’imprimeur aux sociétés de distribution en boîtes aux lettres, en passant par les nombreux prestataires. J’ai une pensée particulière pour ceux qui distribuent dans les boites aux lettres des consommateurs. C’est souvent une population peu qualifiée, éloignée du marché du travail. Pour eux, retrouver un emploi local sera difficile.

Vous voulez dire qu’on n’a pas pensé à eux pendant les discussions ?

N.P-P. : nous n’avons pas participé directement aux discussions. Nous les avons suivies de près et soutenu ceux qui se sont emparés du sujet. Effectivement, les discussions pendant le projet de loi Climat et Résilience portaient plus sur l’environnement que sur l’emploi.

Ca n’est pas important l’environnement ?

N.P-P. : si bien-sûr, c’est primordial ! Mais dans la question qui nous occupe, on parle de prospectus produits en France et issus de forêts gérées durablement. La communication papier n’est pas aujourd’hui un problème pour l’environnement.  En effet, cela fait des années que la filière papier graphique travaille sur la réduction de ses impacts environnementaux.

La DMA France est d’ailleurs engagée avec les autres acteurs de la Filière Communication dans la transition écologique.

Il s’agirait d’éviter le gâchis de « surconsommation » ? Je n’entends pas ce discours. Comme je vous le disais, l’information accessible permet le choix et je suis de ceux qui pensent qu’il faut faire confiance aux consommateurs qui ont du bon sens. Ils savent parfaitement comment optimiser leur pouvoir d’achat, surtout dans le contexte actuel d’inflation.

Le débat aurait pu porter entre « une consommation éclairée ou une surconsommation ». Le texte voté a clairement penché pour la deuxième option.

Revenons sur la notion de coûts supplémentaires. Pouvez-vous expliciter ?

N.P-P. : la solution pour continuer d’envoyer des imprimés publicitaires sera de les passer en courriers adressés. Comme je vous l’ai dit, une certaine catégorie de commerces pourra le faire. Ils en auront les moyens en termes financiers, mais aussi marketing et juridiques. Par exemple une base de données consommateurs, issue de programmes de CRM, des personnels juridiques formés au RGPD et, bien-sûr, des budgets marketing significatifs.

Mais ce n’est pas tout le monde qui pourra le faire. Louer des bases de données auprès de data providers et de routeurs, respecter les nombreuses règles déontologiques et réglementaires demande des compétences et des moyens. Croyez-moi, les process sont lourds, même si les professionnels de l’adressé sont prêts à les accompagner !

Pour des petits acteurs, locaux et non affiliés, je les vois mal mettre en place des opérations aussi conséquentes. Une activité de prospection, c’est très normal pour les gens du métier mais cela peut vite s’avérer très compliqué pour les non-professionnels.

Pour eux, le plus adapté reste le non-adressé.

Dans deux ans et demi, vous allez regarder le bilan de près ?

N.P-P. : je vous propose d’en reparler à ce moment et voir s’il s’agit vraiment d’un, bilan !

Je ne mets pas en doute la bonne volonté des personnes qui ont proposé cette expérimentation, mais je les vois mal revenir en arrière dans deux ou trois ans.

Mais, après tout, qui sait ? Du côté DMA France, nous savons que ces sujets vont nous occuper dans les années à venir.

Propos recueillis en décembre 2021

L’information accessible permet le choix. Et je suis de ceux qui pensent qu’il faut faire confiance aux consommateurs.