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Expérimentation du Oui-Pub : la publicité peut accompagner une consommation plus responsable !

28 juin 2022
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Depuis mai 2022, 15 collectivités locales participent à l’expérimentation « Oui-Pub », un dispositif qui vise à inverser la logique du Stop-Pub. Jusqu’à septembre – date de démarrage de la période d’observation qui durera trois ans – les communes doivent donc informer leurs administrés de ce changement. Dans ce contexte d’évolution législative, La Revue du Prospectus a souhaité donner la parole à Henri Rivollier, spécialiste du droit de la communication qui fut le Directeur des écoles SUP’ DE COM pendant 22 ans, aujourd’hui encore enseignant dans le supérieur, auteur d’ouvrages et créateur du blog droitdelacom.org.

En préambule, pourriez-vous nous donner votre approche de ce qu’est une communication responsable ?

Henri RIVOLLIER (HR) : Ce n’est pas chose facile, mais je dirais qu’ est responsable la communication qui s’appuie sur la réalité du produit et/ou de l’organisation, qui est soucieuse des impacts environnementaux, sociaux, sociétaux, culturels et économiques, et qui s’efforce, en toute transparence, de garantir le respect de toutes les parties prenantes, tout en visant à atteindre ses objectifs avec efficacité.

M. Henri RIVOLLIER, Expert en droit de la communication

Le législateur régule de plus en plus la publicité des médias traditionnels (publicité télé, affichage…) et même l’imprimé publicitaire aujourd’hui. Avez-vous noté une accélération ces dernières années et qu’est-ce qui peut l’expliquer ?

HR : La publicité est régulièrement sous le feu des critiques. Néanmoins, on peut constater une accélération depuis 2019-2020 et des rapports et des projets qui appellent à une responsabilisation du secteur de la publicité face aux impacts environnementaux, sociaux et sociétaux. À titre d’exemples, citons le Rapport Zen50, le Rapport du Conseil National du Numérique, le Rapport Chaize, le Rapport Big Corpo, ou encore le Rapport Publicité et Transition Écologique. Et bien entendu les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat qui ont débouché sur la loi Climat et Résilience.

Cela correspond aussi aux attentes nouvelles du consommateur : transparence, confiance, engagement, sont des valeurs de plus en plus attendues des marques, qui s’efforcent d’y faire écho.

En 2021, le système Stop-Pub a été renforcé par la loi AGEC. La même année, le Parlement a voté l’expérimentation du Oui-Pub, qu’est-ce qui explique ce changement de paradigme selon vous ?

HR : En effet, la loi AGEC a prévu à compter du 1er janvier 2021 une amende (1 500 € pour les personnes physiques et de 7 500€ pour les personnes morales) en cas de non-respect du Stop-Pub.

Le remplacement du Stop-Pub par le Oui-Pub était, quant à lui, une des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, aux propositions de laquelle le Président Macron avait pris l’engagement de donner une suite législative ou réglementaire.

Par ailleurs, certaines statistiques ont sans doute pesé dans cette décision comme celle évoquant 44% de Français qui jettent au moins une fois par semaine des imprimés publicitaires sans les lire, ou encore celle faisant état de 800 000 tonnes de papier que représente le home-media. Enfin, plusieurs études ont révélé un consommateur globalement favorable au Oui-Pub avec 57% de répondants prêts à apposer l’autocollant sur leur boîte (Bonial/OpinionWay fin 2021 notamment). Cette vision de l’opt-in publicitaire, y compris pour les boîtes aux lettres, est d’ailleurs celle qui prévaut sur internet avec la règlementation européenne RGPD.

Il n’y a pour l’instant pas de sanction prévue au non-respect du Oui Pub, pensez-vous que cela permette une évaluation complète ?

HR : Les textes ne prévoient en effet pas, à ce jour, de sanction en cas de non-respect du Oui-Pub. Mais il faut rappeler qu’un Comité de pilotage de l’expérimentation a été créé sous l’égide de l’ADEME et qu’il est apte à formuler des propositions, y compris en matière de sanctions. Nous voici engagés dans une expérimentation du Oui-Pub pour 3 années et sur 15 communautés de communes. La règlementation a donc le temps d’évoluer, mais il est vrai que pour espérer une expérimentation en situation réelle, le cadre doit être défini de manière exhaustive, donc la question des sanctions va devoir être traitée.

Quel est le cadre de l’évaluation de cet essai, notamment sur les différents impacts (sociaux, environnementaux…) ?

HR : Un comité d’évaluation sera mis en place six mois avant la fin de l’expérimentation avec pour mission d’en dresser un bilan qui sera présenté au Parlement, auquel appartiendra la décision finale.

Ce bilan devra être complet tant sur le plan quantitatif (nombre de boites aux lettres qui auront affiché le Oui-Pub, volumes distribués, impacts en matière de déchets, coûts pour les collectivités) que qualitatif (conséquence sur l’emploi, satisfaction des consommateurs, conséquences sur la consommation, report sur d’autres stratégies ou d’autres médias ou supports).

Le report vers des catalogues en ligne constitue une vraie crainte alors qu’à ce jour le numérique représente déjà 4% des émissions mondiales de GES et que l’on parle de 7% d’ici 2025 selon une étude du Shift Project.

Quid de la volonté du consommateur dans ce panorama ?

HR : Toutes les études convergent pour attester de l’intérêt du consommateur pour les promotions, y compris pour les achats du quotidien tels que l’alimentation. Et donc de l’intérêt pour les catalogues promotionnels de la grande distribution. La crise inflationniste que nous traversons – et qui n’était pas de mise lors de la décision de cet essai de règlementation du Oui-Pub – peut faire évoluer la donne dans un contexte où les gens peuvent être à 10 euros près lorsqu’ils font leurs courses.

Cette baisse du pouvoir d’achat va-t-elle inciter le consommateur à apposer le Oui-Pub sur sa boite aux lettres ? A défaut, comment continuer à l’informer des offres promotionnelles et donc à accompagner le consommateur dans ses choix ? Certaines marques ont déjà fait le pari du numérique, mais n’est-ce pas au détriment des populations qui, pour différentes raisons, n’accèdent pas aisément au digital. Faudra-t-il assouplir la règlementation de la publicité télévisée pour la grande distribution ? Finalement on touche ici du doigt que les enjeux économiques et environnementaux peuvent être parfois difficiles à concilier. Difficiles mais pas impossible, il va falloir se montrer inventifs tout en gardant en tête la nécessaire transition écologique.

Plus globalement, cela pose la question de la responsabilité de l’impact de la publicité et du marketing au sens large, pensez-vous que ce sujet soit pleinement adressé par les marques ? Quelles évolutions percevez-vous à cet égard ?

HR : Les marques sont de plus en plus conscientes de leurs impacts environnementaux et sociaux et nombreuses sont celles qui se sont déjà engagées dans des actions pour essayer de les réduire. Même si certaines marques jouent encore malheureusement la carte du greenwashing ou du goodwashing – des pratiques qui selon le dernier bilan de l’ARPP (l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) sur le greenwashing semblent même en recrudescence – le consommateur n’est pas dupe et la société civile est en veille sur ces sujets.

Le Oui-Pub est un des épisodes d’un défi passionnant et essentiel qui s’impose aux consommateurs comme aux marques : promouvoir une consommation plus responsable accompagnée par une publicité elle aussi plus responsable ! Faire de la publicité un levier de la transition écologique, les professionnels du secteur veulent croire que c’est possible. Selon le Baromètre de l’Ademe, construit sur une enquête auprès des responsables marketing et communication, les choses évoluent d’ailleurs dans le bon sens : 66% des sondés estimaient en 2021 que leur entreprise était engagée, un taux qui est passé à 77% dans la 2ème édition du baromètre rendu publique en juin 2022.

 

Les collectivités locales engagées dans l’expérimentation Oui-Pub :

SMICTOM (Syndicat Mixte Intercommunal de la Collecte et du Traitement des Ordures Ménagères) du Pays de Fougères (https://www.smictom-fougeres.fr/actualites/en-2022-le-oui-pub-experimente/)

Ville de Bordeaux (https://www.bordeaux.fr/f5315/vos-questions-sur-oui-pub)

SMICVAL (Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation) Libournais Haute Gironde (https://www.smicval.fr/oui-pub-vers-une-publicite-choisie/)

Agglomération d’Agen

Leff Armor Communauté (https://www.leffarmor.fr/profils/un-autocollant-oui-pub/)

Communauté urbaine de Dunkerque Grand Littoral

Ville de Sartrouville (https://www.sartrouville.fr/vivre-a-sartrouville/proprete-et-dechets/oui-pub)

Troyes Champagne Métropole

Métropole du Grand Nancy (https://www.grandnancy.eu/vivre-habiter/dechets/jeter-moins-trier-mieux)

Grenoble Alpes Métropole (https://www.grenoblealpesmetropole.fr/actualite/1563/104-dechets-le-oui-pub-remplace-le-stop-pub.htm)

SYTRAD (Syndicat de traitement des déchets Ardèche Drôme) (https://www.sytrad.fr/oui-pub.html)

SICTOBA (Syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères de la Basse Ardèche) (https://www.sictoba.fr/Le-OUI-PUB-arrive-chez-vous,2169.html)

Communauté de communes Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon

UNIVALOM (Syndicat Mixte de traitement et de valorisation des déchets) (https://univalom.fr/oui-pub/)

SYVADEC (Syndicat de Valorisation des Déchets de la Corse) (https://www.syvadec.fr/wp-content/uploads/2022/05/CP_2022_05_03_Lancement-experimentation-OUI-PUB-en-Corse.pdf)

 

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