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Rencontre avec des « prospectus-addicts »

26 novembre 2020

Une récente étude consacre le fait que les Françaises et les Français font attention à leur budget, notamment pour celui des courses du quotidien. Radins nos compatriotes ? Plutôt malins, économes, attentifs. À l’image de Marie et Nicole, qui ont accepté de nous livrer leurs habitudes de « fidèles du prospectus ». Rencontres.

« Malin is the new radin »

Molière en serait sans doute tout chamboulé. L’auteur du célèbre Avare, en 1668 moquait la pingrerie et l’accumulation chevillées au corps de son personnage Harpagon. Aurait-il imaginé que, 350 ans plus tard, la radinerie aurait acquis ses lettres de noblesse ? C’est pourtant tout l’enseignement de l’étude menée en 2019 par l’IFOP pour le site Radins.com : Qui sont les nouveaux radins ?

Exit la définition officielle du Petit Robert faisant état d’un radin quelqu’un d’avare, économe, mesquin, pingre ou regardant. Elle laisse la place, selon les mots mêmes de son regretté fondateur, à « des gens qui savent gérer leur argent et profiter des bonnes occasions » ! Car, l’IFOP l’affirme, les Français sont radins et ils l’assument ! Par exemple, ils sont 78 % à passer du temps à chercher la « bonne affaire ». Un taux qui grimpe à 83 % chez les moins de 25 ans. Plus de complexe par rapport à ce qui pouvait être perçu comme un défaut.

Si 1 Français sur 2 s’est déjà vu reproché d’être près de ses sous, 70 % d’entre eux assument sans sourciller cette inclinaison. Au point de trouver cela sexy ? L’étude ne laisse pas de doutes. Les attitudes appréciées chez un conjoint potentiel, sont en effet :

  • De rechercher des bonnes affaires sur internet (81 %)
  • D’attendre les promotions ou les soldes pour faire le gros des achats (75 %)
  • De collectionner les tickets ou bons de réduction pour ses achats en magasin (64 %)

C’est la tendance. « Consommer malin is the new radin ». 83 % de nos compatriotes se définissent eux-mêmes comme « économes » et profitent des bons plans, réductions ou achats groupés. Pour preuve, 81 % d’entre eux sont à la recherche d’astuces pour voyager moins cher. La même proportion attend les soldes pour faire des achats personnels ou à offrir et 78 % ne conçoivent les sorties et les activités qu’à prix réduit.

Le prospectus, le rendez-vous agréable des bons plans

Un portrait dans lequel se retrouvent assurément Nicole et Marie. À 78 ans, Nicole est retraitée de l’éducation nationale et habite à Saint-Sauveur en Puisaye dans l’Yonne. Marie a 36 ans, exerce le métier de chargée de communication pour un site œnotouristique et vit entre Tours et Chinon dans l’Indre-et-Loire. Leur point commun ? Éplucher chaque semaine, tous les prospectus et catalogues distribués dans leur boite aux lettres respective.

Radines ? Elles ont encore du mal avec ce terme. Elles se définissent plus volontiers comme « économe, calculatrice ou maline ». Alain Rey n’aurait pas démenti…

Et ce n’est pas leur niveau de vie qui motive ce comportement. Les deux vivent en couple, avec double-revenu, et se situent dans la catégorie classe moyenne [1]. Il n’en reste pas moins qu’elles sacrifient plus que volontiers au rituel hebdomadaire d’épluchage des imprimés publicitaires.

Trouver le meilleur bon plan ou la meilleure promo est un geste normal, pour Nicole

Quand le prospectus est un rituel

« Je fais cela depuis toute petite », précise Marie. « Tous les mardis, je me plonge dans cette odeur de papier que j’aime tant et qui me rappelle les rentrées scolaires de mon enfance ». À chacun sa Madeleine de Proust ! « Mon mari se moque gentiment de moi, mais je vous assure que cela égaye ma semaine ! » ajoute-t-elle. Nicole, plus mesurée, concède une « vraie notion de plaisir, avec une lecture qui lui permet d’imaginer et de préparer les menus de la semaine ».

« Tous les mardis, je me plonge dans cette odeur de papier que j’aime tant et qui me rappelle les rentrées scolaires de mon enfance  »
Marie – Chargée de communication de 36 ans en Indre-et-Loire

Raison garder

Mais au-delà du plaisant moment de lecture, les motivations sont de l’ordre du pratique. Comme une majorité de Français, les économies potentielles à réaliser sont un moteur commun. Marie, mère de deux enfants et ailurophile (elle possède cinq chats !), peut « faire trois magasins différents pour bénéficier de promotions. À condition de me déplacer pour cinq ou six réductions ». De son côté, Nicole préfère « favoriser le très local, mon supermarché à proximité ». Sans pour autant exclure de pousser jusqu’à Auxerre, la grande ville voisine « pour bénéficier d’un bon plan à l’occasion d’une sortie ou un autre rendez-vous ».

► Voir aussi : « Pouvoir d’achat et promotions : le duo gagnant du prospectus ? »

Des économies ou rien

Chacune est bien consciente des économies réalisées ou du « cagnottage » sur leurs cartes de fidélités. « Entre 7 et 10€ cette semaine » pour Nicole. « De l’ordre de 30 % de la valeur de mes achats en moyenne » pour Marie qui reste très à l’affût des opportunités de prix bas : « je guette les rayons saisonniers qui arrivent à terme et vont fermer, comme le rayon jouets par exemple. Je peux gagner 15€ sur un ticket de caisse de 50€ ». La Chargée de communication enfonce le clou : « hors de question de payer plein pot. Ma pâte à tartiner préférée, je ne la prends pas si elle n’est pas en promo. J’ai l’impression de me faire avoir ! ».

Tous les mardis, Marie se plonge avec délectation dans ses imprimés publicitaires

Une chasse à la remise qui reste toujours opportuniste

Le bon plan déclenche leur acte d’achat. Quitte à stocker le produit « mais ne jamais gâcher ! » raconte Marie qui reconnaît même avec humour « avoir une succursale de grande surface chez elle » tant ses stocks peuvent devenir conséquents. Et se rappelle que ses « grands-parents faisaient la même chose ». Nicole, quant à elle, « sait attendre que certains produits soient en promotion et éventuellement les stocker, comme le liquide vaisselle par exemple ».

Côté digital

Sur ce point, aucune ne semble avoir franchi le pas. « Je préfère le prospectus » tranche Nicole. Comme près de 7 Français sur 10. Marie, elle, trouve que les alternatives numériques demandent « une organisation plus complexe. Il faut imprimer les coupons reçus. Je trouve que les prospectus, c’est un gain de temps ».

Trier pour recycler

Une fois l’imprimé publicitaire utilisé, il termine toujours dans la corbeille de tri dédiée, « pour le remettre dans le circuit » assure Marie.

Stop-Pub

Il sera facile de comprendre qu’aucune de nos acheteuses malines n’apposera jamais un autocollant Stop-Pub sur sa boîte aux lettres. « Au contraire » sourit Nicole qui « aime trop son rendez-vous prospectus ».

 

Propos recueillis en Novembre 2020

 

[1] Voir l’article sur les classes modestes pour les précisions sur la tranche de revenus.

Rencontre avec des « prospectus-addicts »