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Notre but, c’est supprimer le gaspillage

27 janvier 2022

France Nature Environnement est parmi les ONG qui connaissent le mieux le dossier Stop-Pub / Oui-Pub. Par nature militants, engagés, mais pas radicaux, c’est une voix qui compte dans ce débat et que La Revue Du Prospectus a eu plaisir à rencontrer.

Portrait

France Nature Environnement est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Elle est la voix unique d’un mouvement de 5 837 associations, regroupées au sein de 46 organisations adhérentes, présentes sur tout le territoire français, en métropole et en outre-mer.

Ses actions sont articulées autour de trois axes majeurs : stopper la destruction des écosystèmes ; protéger l’Humain et participer à la vie démocratique et changer de modèle de développement.

Le tout à travers dix champs d’actions :

  1. Agriculture
  2. Biodiversité
  3. Eau et milieux aquatiques
  4. Énergie
  5. Forêts
  6. Océans, mers et littoraux
  7. Prévention et gestion des déchets
  8. Risques et impacts industriels
  9. Santé et environnement
  10. Territoires et mobilités durables

Catherine Rolin est Chargée de mission « Prévention et Gestion des Déchets », dont l’objectif premier est de favoriser des modèles de production et de consommation plus économes en ressources naturelles et moins polluants. Pour cela, la FNE défend la réduction des déchets à la source et cherche à lutter contre les gaspillages de ressources.

Quel est votre rôle au sein de FNE ?

Catherine Rolin : je m’occupe des filières qui sont soumises à la Responsabilité Élargie du Producteur (REP), plus particulièrement les filières emballages et papiers, D3E [NDLR : les DEEE sont les déchets d’équipement électrique et électronique] et textile. Ces filières ont des cahiers des charges sur la rédaction desquels nous donnons notre avis. Leur but est d’être le plus exemplaire possible et de réduire l’impact de leurs activités. FNE suit la mise en place de ces filières et leur bon fonctionnement en termes de prévention et d’écoconception.

Votre mission autour des déchets vous a amenée à suivre de près le dossier Oui-Pub ?

C.R. : oui et ce n’est pas nouveau pour nous. Car nous sommes à l’initiative du Stop-Pub et, dès sa création, nous disions que le geste par défaut devait être celui de la prévention : pas de distribution de prospectus non souhaités.

De fait, le Stop-Pub a montré plusieurs limites : beaucoup de gens ne savent pas que cela existe, il peut être arraché des boites et il n’est pas toujours respecté.

Nous pensons aussi qu’il est anormal que les gens qui ne veulent pas de publicités doivent quelquefois payer pour se procurer un autocollant. Il faut plutôt appliquer le principe « pollueur-payeur » comme c’est la norme. Alors, nous insistions beaucoup pour inverser la logique, sans être entendus. Il aura fallu la feuille de route sur léconomie circulaire, la loi AGEC, puis la Convention Citoyenne sur le Climat pour enfin aller plus loin, notamment avec l’expérimentation du Oui-Pub.

Pourquoi ne pas avoir cherché à renforcer le Stop-Pub ?

C.R. : principalement pour les limites que je vous indiquais. Le Stop-Pub n’est pas toujours respecté par certains distributeurs, il est parfois arraché, abîmé avec le temps, difficile à obtenir ou même refusé par certaines copropriétés pour manque d’esthétisme…

Mais aussi des obstacles financiers. Par exemple, les petites collectivités qui n’ont pas de solutions pour imprimer et mettre à disposition 500 ou 1 000 autocollants, quand on sait qu’il faut en imprimer 5 000 pour que ce soit intéressant.

De plus, jusqu’à l’année dernière, il ne se passait rien en cas de manquement au Stop-Pub. Aujourd’hui, une amende est enfin prévue, mais pour qu’elle soit appliquée, il faut avant passer par une plainte. On peut aussi signaler le non-respect du Stop Pub via un site dédié, mais nous trouvons ce dernier assez intrusif : il faut donner son identité, son courriel, ce qui peut refroidir beaucoup de personnes. Il faut pouvoir signaler plus simplement et que les autres renseignements soient facultatifs. [NDLR :les données collectées dans le cadre des signalements ne sont conservées que 3 mois et le courriel et/ou adresse ne sont utilisés que dans le but d’avertir le plaignant que sa plainte a bien été prise en compte, sans autre utilisation possible.]

Mais c’est surtout la mise à disposition des autocollants qui pêche, car c’est un vrai travail citoyen que d’aller informer les ménages. Les grandes surfaces ne jouaient pas forcément le jeu.

Cela fait trente ans que Stop-Pub existe et on plafonne à 20 % d’utilisation, même si beaucoup de gens trouvent qu’il y a trop de pub dans leur vie.

Dans le contexte d’urgence climatique, il est demandé beaucoup d’efforts aux citoyens. Il faut commencer par les gaspillages. Au niveau des prospectus, distribuer du non désiré, c’est un gaspillage inacceptable aujourd’hui. Le geste par défaut doit être celui de la prévention. Si la personne ne dit rien on suppose qu’elle a besoin de rien !

Tous les secteurs vont devoir s’adapter et faire des efforts, celui-là aussi.

Tant pis pour les impacts économiques sur la filière ?

C.R. : on nous parle toujours emplois, mais ceux qui avancent cette objection ne fournissent aucun argument chiffré et étayé à l’appui.

Les « boîteurs » sont souvent des petits contrats, des précaires : l’argent qui est dépensé pour distribuer un papier non lu, ne serait-il pas plus utile s’il était fléché pour la reconversion de ces métiers vers des activités à utilité sociale et écologique ?

Concernant les imprimeries : nous aimerions savoir si le budget dépensé dans les imprimés publicitaires l’est en France ou à l’étranger ? Nous avons regardé, il est souvent mentionné « imprimé dans l’Union Européenne ». Il faudrait être sûr des chiffres et, à la limite, si on divise par deux le nombre de prospectus imprimés, mais qu’ils le soient en France, l’impact économique pour le pays serait sans doute nul !

Il faut se préparer au changement. Pérenniser une activité qui ne sert pas est une erreur. Il faut changer de modèle. Je rappelle que l’industrie du papier est très énergivore. Dans le contexte de réduction des émissions de gaz à effet de serre, on ne peut fermer les yeux sur ces 800 000 tonnes annuelles de papier qui génèrent 800 000 tonnes de CO2. [NDLR : une tonne de papier = 0,92 tCO2 – base carbone ADEME.]

Enfin, on nous dit que les prospectus font faire des économies aux ménages. L’ADEME a fait une étude dans laquelle il est indiqué que certains foyers ressentaient un impact positif des prospectus sur la maîtrise de leur budget, mais aussi que la moitié des gens affirmaient que cela ajoutait au contraire de la frustration ou déclenchait des achats non prévus.

  • 65 % des répondants déclarent que les imprimés publicitaires sans adresse (IPSA) contribuent à améliorer leurs choix de consommation grâce à une meilleure information ;
  • 63 % estiment qu’il contribue à mieux maîtriser leur budget.

UFC-Que Choisir a produit de son côté une étude sur le coût de la publicité dans les boites aux lettres en 2014. Ils sont arrivés à une somme de 200 € / famille / an. Une somme qui est répercutée aux ménages. Ces 200 € pourraient être mis ailleurs.

L’expérimentation Oui-Pub doit vous satisfaire ?

C.R. : sur le principe oui, mais c’est un peu le flou pour le moment. L’enjeu est d’avoir une bonne représentativité des collectivités qui se lancent dans la démarche. Ensuite, les choses me paraissent simples : il suffit de dire qu’à partir d’aujourd’hui, toute boite aux lettres sans autocollant ne veut pas de publicité.

Je le rappelle, notre but c’est supprimer le gaspillage, les usages inutiles. En commençant par les plus aberrants. Par exemple ce qui peut être distribué dans les logement vides ou les résidences secondaires. Tout progrès sera bon à prendre.

À lire sur le même sujet : Le géomarketing : optimisation financière et environnementale du prospectus

Et puis, si tout le monde arrête les prospectus, les distributeurs, les commerçants, les restaurants, … les besoins des consommateurs disparaitront-ils avec ? Non, ils existeront toujours et tous les commerçants seront sur un pied égalité et peut être que les petits commerces seront plus visibles.

Je ne vois pas trop pourquoi cela ne marcherait pas.

Propos recueillis en décembre 2021

Notre but, c’est supprimer le gaspillage