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Pour le média papier, les années à venir seront meilleures !

11 juin 2021

Alexandre Poumaere gère le site« Stop-Pub » depuis 2009. Son objectif est de permettre à nos concitoyens d’exprimer leur volonté de ne pas recevoir de publicités non adressées dans leur boîte à lettres. Et son leitmotiv est de combattre le gaspillage lié à des publicités non lues. S’il écarte les solutions radicales, il ne reste pas moins exigeant pour atteindre cet objectif. Entretien avec une personnalité engagée.

« Mon but, ce n’est pas de vendre du « Stop-Pub » ou du « Oui-Pub », mais faire progresser la situation et diminuer le gaspillage».

Alexandre Poumaere annonce la couleur d’entrée de jeu. Il gère depuis 2009 le site « Stop-Pub », qui commercialise l’autocollant éponyme auprès des particuliers et des collectivités locales.

Depuis sa popularisation en 2004, le « Stop-Pub » était une pratique du marché, entrée officiellement dans la règlementation en 2021 grâce à la loi AGEC [1]. Aujourd’hui, les parlementaires discutent d’un changement de paradigme avec l’expérimentation du dispositif « Oui-Pub ». Il s’agit d’inverser la logique, en demandant au consommateur d’exprimer sa volonté de recevoir spécifiquement de la publicité dans sa boîte à lettres.

Pour celui qui se définit comme partisan d’une « écologie intégrale mais pas intégriste », c’est-à-dire tenant compte des aspects économiques, sociétaux et environnementaux, ce revirement doit être considéré avec tout le bon sens nécessaire.

Comment observez-vous ce que pourrait être le dispositif « Oui-Pub » ?

A.P. : Initialement, j’avais un regard plutôt bienveillant, car j’avais émis cette hypothèse dès 2013. Cela étant dit, j’ai plusieurs réserves sur le « Oui-Pub » tel qu’il est présenté aujourd’hui.

De nombreux clients-lecteurs risquent de ne pas l’adopter, ce qui correspondrait mécaniquement à une baisse de diffusion d’imprimés publicitaires, donc à un impact négatif sur l’emploi. On le sait, c’est évident.

Dans le cas d’une adoption rapide et généralisée du dispositif « Oui-Pub » sans aménagement, il y aurait davantage de risques que de bénéfices. Le changement radical sur le court terme serait dangereux d’un point de vue économique et sociétal, notamment pour les acteurs de la filière papier-graphique. Un « Oui-Pub » efficace doit donc être progressif, adapté et se situer dans le cadre d’une transition longue.

Une transition qui pourrait prendre quelle forme ?

A.P. : J’essaye de faire émerger la nécessité d’un dispositif mixte qui permettrait, pendant un temps qui reste à définir, d’afficher son choix. Dans l’idéal, il faudrait que chaque boîte à lettre affiche soit un autocollant « Oui-Pub » soit un autocollant « Stop-Pub ». Aucune boîte à lettres ne devrait rester muette ! Je note d’ailleurs que certains fabricants ont été très proactifs et perspicaces en proposant dans l’étiquette du nom l’option « oui » ou « non ».

Aujourd’hui, les discussions parlementaires étant toujours en cours, personne n’est capable de dire ce qu’il va se passer. Et cette incertitude crée de l’inconfort pour toutes les parties prenantes (filière papier, annonceurs, marques, …).

Pourtant, les enjeux sont importants et il va falloir avoir de la visibilité rapidement sur ce qui nous attend : Oui-Pub généralisé ou Stop-Pub renforcé.

Par ailleurs, j’estime qu’il faut 1 € par boîte à lettre pour apposer un autocollant « Stop » ou « Oui-Pub ». Ce n’est pas l’autocollant en lui-même qui catalyse les coûts, mais sa diffusion, la logistique et la sensibilisation du public à travers des campagnes d’information. Si on considère qu’il y a plusieurs millions de boîtes à lettres à équiper (entre 15 et 20 millions), il faut aussi savoir qui va financer tout cela. Les particuliers ? Les collectivités ? Les annonceurs ? Encore une incertitude.

Dans ce cas, pourquoi ne pas opter plutôt pour un renforcement du « Stop-Pub » ?

A.P. : J’attends surtout que tout le monde comprenne, qu’aujourd’hui, trop de publicités non adressées sont jetées sans être lues. C’est une non-performance économique et écologique.

Pour résoudre ce problème, plusieurs possibilités s’offrent à nous.

La première, c’est d’améliorer la qualité du contenu des prospectus, pour qu’ils soient moins jetés et plus lus. Il faut donc repenser les lignes éditoriales pour orienter le prospectus vers une formule plus « magazine » qui aurait un apport sociétal. Concrètement, pas 50 pages de produits en promos, mais plus de qualitatif et plus d’informatif.

La deuxième, c’est de cibler précisément les lecteurs réels. Espérer hameçonner le client par les promos chocs je n’y crois plus et je ne suis pas le seul. Il faut donc rechercher plus d’efficacité. Je pense que le media papier va connaître une augmentation de ses coûts. Il faudra donc que son retour sur investissement soit optimisé. Pour cela, il faudra être malin !

En résumé, moins de prospectus et plus de ciblage.

Et la loi AGEC ?

A.P. : Avant la loi AGEC, il y avait déjà un texte de loi dans le code pénal qui pouvait s’appliquer au dépôt non-autorisés d’imprimés publicitaires, même si l’article ne désignait pas nommément le « stop-Pub ». Pour autant, aucune amende n’avait jamais été distribuée. Avec cette nouvelle loi AGEC, on nous annonce des amendes encore plus fortes. Très bien, mais la réalité du terrain, c’est qu’il faudrait aller déposer plainte en commissariat, alors que le code NATINF[2] correspondant à cette infraction n’est pas connu des services de police et qu’ils ont sans doute mieux à faire que d’enregistrer des plaintes pour des prospectus déposés illégalement. Résultats, zéro amende au mois de mai alors que plusieurs signalements de non-respect du Stop pub ont été recensés.

Je préfère de loin renforcer le lien avec les acteurs de la profession comme le SDD[3] pour permettre une communication transversale et une cohérence dans la manière de fonctionner, notamment via le site.

Cela permet d’aller plus loin que la loi et de se situer dans une démarche d’amélioration continue. On peut éviter d’être procédurier en utilisant un mode opératoire intelligent et efficace. Et, pour l’usager, un formulaire à remplir en ligne est plus simple qu’un dépôt plainte ! D’autant plus que les anomalies recensées relèvent davantage d’erreurs que de réelles intentions de commettre une infraction. Ces anomalies peuvent-être facilement corrigées.

En résumé, je pense que la loi AGEC n’a pas permis de renforcer l’efficacité du « Stop-Pub » mais, en revanche, la prise de conscience de certains acteurs comme le SDD a considérablement renforcé son efficacité. Et cela est essentiel, car le véritable risque ce n’est pas de voir apparaître des amendes, mais de voir apparaître un dispositif plus dur et irréversible tel que le « Oui-Pub » … sans garantie sur la manière dont il sera mis en place.

Attention à la radicalité ! Une fois de plus.

Vous êtes donc pour une logique d’amélioration plus que de répression ?

A.P. : C’est mon métier ! (Rires)

De plus, résoudre le problème du gaspillage, ne passera que par de l’inventivité, de la créativité, de l’innovation. C’est un vrai travail et il y a des écoles pour ça !

L’enjeu proche, c’est de réussir à imaginer un média papier qualitatif, ciblé, écologique, et j’en passe. Je crois sincèrement en notre capacité à imaginer une nouvelle manière de prospecter, plus intelligente et plus respectueuse de l’environnement.

Les performances du média papier dans les années à venir seront forcément meilleures !

Propos recueillis en mai 2021

 

[1] Pour Anti-Gaspillage et Éconimie Circulaire : loi qui a pour objectif d’améliorer l’information faite au consommateur afin de lui permettre de réaliser un achat « responsable »

[2] Code qui désigne la nature d’une infraction

[3] Syndicat de la Distribution Directe

Pour le média papier, les années à venir seront meilleures !