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« Valorisons l’imprimé comme ‘bien essentiel’ pour une connexion responsable »

23 décembre 2020

L’association Culture Papier promeut depuis 2010 l’avenir du papier et de l’imprimé. Son Président, Guillaume Le Jeune, et son délégué général, Olivier Le Guay, revendiquent les valeurs citoyennes du papier, ressource naturelle renouvelable et recyclable.  Ils insistent aussi sur la nécessité d’une pédagogie, tant pour la complémentarité de l’imprimé et du digital que pour une déconnexion responsable.

L’association Culture Papier

La Revue du Prospectus : Pouvez-vous présenter Culture Papier ?

Guillaume Le Jeune : L’association a été créée en 2010 pour lutter contre un paper bashing systémique nourri de contre-vérités avec, pour contrepartie, une vision « dématérialisée » du numérique. Il faut reconnaître que notre engagement n’a pas toujours été bien entendu, principalement à cause de nos moyens limités. Contrairement à ceux des acteurs du numérique qui martèlent que rien ne doit ralentir la digitalisation de notre société. Culture Papier refuse seulement que cette « transition » se fasse sur le dos du papier, au nom de l’environnement. Ce d’autant plus que la filière du papier-graphique a fait sa « révolution verte » depuis des décennies. Qu’elle s’engage à être est toujours plus responsable, pour une économie circulaire décarbonée.

Olivier Le Guay : Il est intéressant de faire le parallèle avec d’autres associations, comme GreenIT ou The Shift Project. Ces collectifs s’attachent à limiter l’impact environnemental du numérique et promouvoir la sobriété. Leur « alerte sociétale » n’est prise en compte que depuis peu par les pouvoirs publics [1].


LRDP : Quels sont vos rôles au sein de Culture Papier ?

GL : Fédérer et participer à un « laboratoire d’idées » autour de professionnels. Des passionnés qui représentent tous les maillons et secteurs de l’imprimé de la chaîne graphique ; depuis le bois jusqu’au recyclage, de l’édition de livres ou de presse d’information à la bureautique… Des acteurs qui entendent promouvoir les valeurs du papier et de l’imprimé.

OLG : Pour ma part, il s’agit au quotidien d’animer et de coordonner la diversité d’intérêts de notre gouvernance dans des actions de sensibilisation collectives, auprès des décisionnaires publics et privés. Nous nous appuyons sur notre magazine papier, notre site, notre blog, les réseaux sociaux et des rencontres régulières avec nos parties prenantes. Cela passe également par la réalisation d’études, à l’instar de celle sur l’empreinte socio-économique de l’écosystème du papier graphique en France.

La supposée « dématérialisation » du digital est désormais bien mesurée par GreenIT ou The Shift Project qui rappelle que « la croissance désormais ‘insoutenable’ de nos systèmes numériques – +9 % d’énergie consommée par an – est responsable de 4 % des émissions de carbone en 2019 et pourrait atteindre 8 % d’ici à 2025 selon les modèles ». Sans parler du pillage des métaux rares dans certains pays du globe et du faible recyclage de ses supports. Nous pensons qu’il est urgent de concilier le meilleur des deux mondes, celui de l’imprimé d’une part, et celui du digital d’autre part, à partir d’études fiables comme une ACV. D’en favoriser la complémentarité pour les consommateurs, les citoyens et le futur de la planète. Il s’agit donc bien d’accompagner et d’optimiser les meilleurs usages !

Guillaume Le Jeune
Guillaume Le Jeune, Président de Culture Papier
Olivier Le Guay, Délégué Général de Culture Papier

Une vision de la complémentarité papier-digital partagée

LRDP : Parlons justement de la complémentarité des médias. Pouvez-vous nous partager votre vision ?

GL : Encore une fois nous positionnons nos réflexions dans la dynamique d’une complémentarité avec le numérique, qui a de multiples avantages, mais pas pour tout ! En réalité, nous gardons les yeux et l’esprit ouverts. Il est important de prendre du recul sur un monde qui réduirait notre existence à la performance prédictive des algorithmes, à l’instantanéité de l’image sans la réflexion !

OLG : D’une façon générale, le papier reste apprécié pour de nombreux usages de la vie quotidienne : du livre au papier cadeau, du cahier au prospectus. Toutes les études le montrent.

LRDP : Cette vision trouve-t-elle un écho au-delà de votre association ?

GL : Les enjeux actuels sur la 5G, sur l’impact des réseaux sociaux ou sur l’ouverture des librairies montrent que le sens du progrès mérite d’être débattu, arbitré. Nous sommes loin d’un simple combat catégoriel. Nous promouvons désormais une vision plus complexe, plus humaniste et équilibrée de la société.

OLG : Ce n’est pas seulement la position de l’écosystème du papier. Le « low carbon » est un enjeu sociétal auquel notre laboratoire d’idées participe, aux côtés de multiples associations comme GreenIT, The Shift Project, etc.

L’imprimé, un bien de « première nécessité » ?

LRDP : Culture Papier se positionne régulièrement en faveur de l’imprimé (support que nous appelons « prospectus »), pourquoi ?

GL :  Il s’agit de rétablir les faits. Le papier (à la différence du plastique et d’un écran, par exemple) est une ressource biosourcée, renouvelable et recyclable 5 à 7 fois. La critique de la déforestation n’est plus fondée depuis longtemps. La surface des forêts a doublé en 200 ans en France et en Europe, alors que la consommation de papier a été multipliée par huit. Il est la quintessence même de l’économie circulaire puisqu’il est 100 % renouvelable et 100% recyclable.

OLG : Nous soutenons que l’imprimé et le papier doivent être plus que jamais intégrés comme des biens de « première nécessité ». Hier comme support de transmission, demain comme aiguillon à l’attention et la déconnexion, havre de liberté individuelle et alternative au plastique.

« L’imprimé publicitaire est un produit essentiel à la dynamique du commerce français de proximité. Si tous les distributeurs continuent à l’utiliser, c’est tout simplement parce qu’il est efficace ! Sans être intrusif. »
Olivier Le Guay – Délégué Général, Culture Papier

LRDP : Pouvez-vous développer votre position que le papier et l’imprimé doivent rester un bien de « première nécessité » ?

 GL : Certaines propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat ont dangereusement ouvert la boîte de Pandore sur ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas. Avec un risque d’arbitraire. La Covid-19 a accéléré ce que nous craignions, surtout depuis le second confinement. L’administration « cote » ce qui est essentiel, ce qui peut ouvrir ou non. Certains arbitrages deviennent parfois ubuesques ! Il ne faut pas que l’imprimé pâtisse de cela.

OLG : Il faut faire confiance au prospectus, qui reste un média de proximité non intrusif. Le taux de Stop-Pub en est la preuve ! Il stagne à 20% en moyenne nationale, quand le taux d’Adblocker atteint 54% selon la CNIL.

Les atouts de l’imprimé face aux nouvelles attentes sociétales

LRDP : Une considération d’autant plus fondée au regard du contexte économique ?

GL : Dans des conditions sanitaires qui le permettent raisonnablement, Culture Papier appelle à favoriser le commerce physique de proximité. D’autant que les enseignes et les commerçants savent de mieux en mieux jouer la carte du « phygital », à l’instar des libraires. Dans cette dynamique, le prospectus, avec ses capacités drive-to-store et drive-to-web peut être très utile !

OLG : Le média imprimé reste un vecteur privilégié pour une communication de proximité non intrusive, même si la volumétrie continue à baisser en fonction des attentes aussi bien des annonceurs (nombre de campagnes et exemplaires de prospectus mieux ciblés, réduction du grammage) que des consommateurs. Il faut savoir que toute réduction drastique ou interdiction non accompagnée dans le temps mettrait à bas toute la filière industrielle, son tissu d’imprimeries, et ses emplois de proximité. L’étude EY pour Culture Papier sur l’empreinte socio-écosystème de l’écosystème du papier graphique a montré la solidarité entre les différents types imprimés. Court-circuiter 40% de l’activité des imprimeurs de labeur (imprimés publicitaires et catalogues – source IDEP Regards 2020) aurait pour conséquence d’euthanasier l’impression de la presse en France, déjà très fragilisée. Laissons cette filière continuer à s’adapter aux nouveaux comportements, sans la plomber inutilement !

► Ecouter le podcast Papier Frappé « L’impact sociétal du prospectus en France »

LRPD : Quid des rapports entre le prospectus et la publicité ?

GL : Laissons les Français choisir ! L’important est de respecter le choix et la liberté du consommateur. L’expérience des confinements successifs démontre que c’est au consommateur et citoyen de choisir leurs modes et leurs produits de consommation, en fonction de leurs besoins.

OLG : Au lieu d’en appeler à l’interdiction, regardons objectivement les choses : l’imprimé publicitaire est un produit essentiel à la dynamique du commerce français de proximité. Si tous les distributeurs continuent à l’utiliser, c’est tout simplement parce qu’il est efficace ! Sans être intrusif. C’est aussi l’un des meilleurs – voir l’unique pour les « illectroniques » – modes d’information des Français les plus modestes pour optimiser leur budget familial, notamment alimentaire !

Une feuille de route pour 2021

LRDP : Comment Culture Papier compte agir dans les prochains mois pour faire entendre ces messages ?

GL : Poursuivre plus que jamais notre action de sensibilisation auprès des décisionnaires publics et privés. Nous pouvons nous appuyer sur des études indépendantes qui balayent les contre-vérités. Nous soutenons par ailleurs toutes les initiatives (REP2020 « Constructions », Plan pour le reboisement et des forêts, par exemples) qui systématisent, selon les déclarations du gouvernement, « l’usage du bois et des autres matériaux biosourcés, dans l’économie circulaire ». Les pouvoir publics et les citoyens comprennent enfin que « tout est bon dans un tronc » ! Ses déchets (copeaux, résidus, sciure, etc.) sont la matière première du papier. Nous nous attacherons aussi à valoriser les responsabilités du bois, du papier et de l’imprimé, pour leurs qualités culturelles, économiques et environnementales.

OLG : Nous sommes convaincus que les décisionnaires entendent désormais qu’il faut faire confiance à la filière bois. Elle peut produire et diversifier ses dérivés de façon responsable, en substitution des matériaux fossiles. Qu’il faut faire confiance à la filière graphique qui produit une ressource qui est à la fois culture, industrie, média et matière du futur. Notre avenir ne peut dépendre exclusivement du digital. Il est temps de valoriser l’imprimé comme produit essentiel pour une connexion responsable.

 

Propos recueillis le 22 décembre 2020

 

[1] La Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat s’est par exemple saisie du sujet en juillet avec une proposition de loi visant à « réduire l’impact écologique du secteur numérique en France ».

« Valorisons l’imprimé comme ‘bien essentiel’ pour une connexion responsable »