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Le prospectus Made In France : peut-on faire plus et mieux ?

18 novembre 2020

Le Made In France (ou « MIF ») est à la mode. Et ce n’est pas si nouveau, même si la COVID et ses conséquences ont réveillé un peu plus ce sentiment. La Revue du Prospectus est allée à la rencontre de différents acteurs du MIF pour vérifier si plus de patriotisme économique était possible dans le secteur du prospectus. Enquête.

La crise sanitaire a amplifié l’envie de consommer français

Patriotisme économique

Brutalement privés de certains produits manufacturés importés, pendant la paralysie de l’économie mondiale due à la COVID-19, les Français ont soudainement retrouvé des vertus au Made In France. Dans les faits, une fois le confinement printanier terminé, nos compatriotes avaient envie de consommer des produits fabriqués sur le territoire national : un Français sur deux était certain d’en acheter et 43 % pensaient le faire probablement [1]. Un véritable nouvel élan de patriotisme économique !

Pourtant, d’après l’étude de l’Insee parue en Juin 2019, 81 % de la consommation totale des ménages est déjà Made in France. Un chiffre cependant à relativiser car, le pourcentage tombe à 35,9 % pour les produits manufacturés (électro-ménager, ordinateur, télévision…). Suivent l’habillement (20%) et les machines et équipements électroniques (7,5%).

Mais cet engouement reste compréhensible. Sur le papier, les avantages perçus sont nombreux : réduire la dépendance industrielle française, diminuer l’empreinte carbone de la consommation et booster l’emploi local. Le retour d’une certaine souveraineté économique. Et ce comportement n’est pas si nouveau. Une étude de l’IFOP [2], indiquait déjà en 2017 que :

  • 92 % des Français se préoccupaient de l’origine de leurs aliments
  • 75 % estimaient qu’un produit fabriqué en France était de meilleure qualité
  • 74% étaient prêts à payer plus cher pour un produit Made in France
  • 87 % considéraient qu’un label Made in France était un gage de production socialement responsable

Réalité sociétale

Rien de neuf dans les intentions donc. Toutefois, dans les faits, tenir cet acte civique est moins simple qu’il n’y paraît. En effet, relocaliser différents types d’industries ne se fait pas sur un coup de tête. D’autant plus que le coût du Made In France est loin d’être neutre. Tant mieux, dans ce contexte, si une majorité significative des personnes interrogées se disent prêtes à payer plus cher pour acheter un produit fabriqué en France. Une allégation qu’il faut toutefois mettre en regard avec la réalité quotidienne de la consommation de notre pays : 6 ménages sur 10 font leurs courses à 10 € près et 1 sur 8 à 1 € près [3].

Et du côté du prospectus ?

Une tendance au MIF ?

L’avenir le dira. Cette tendance a cependant le vent en poupe depuis plusieurs années. Du côté des imprimés publicitaires, l’idée a séduit certaines enseignes visibles telle que Système U, qui annonçait en juin dernier la relocalisation de la fabrication de ses prospectus sur le territoire français. Initiative isolée ou signal de départ d’une tendance de fond ? Pour l’instant aucun autre annonceur de cette envergure n’a fait pareille annonce. « Ce sont des propos extrêmement courageux dans un contexte permanent de paper bashing » [NDLR : paper bashing = dénigrement du papier] souligne Olivier Le Guay, délégué général et Directeur de la rédaction du Magazine Culture Papier. Il rappelle d’ailleurs qu’aujourd’hui « la grande majorité des prospectus distribués en France est imprimée sur le territoire ». Un chiffre avancé de 78 % de la production, avec une légère tendance à la baisse.

Le MIF pour un mieux-disant global

À l’heure où beaucoup d’enseignes s’engagent sur le Made In France, la cohérence devrait être de mise. Ce choix ne devrait-il pas s’appliquer sur toute la chaîne de valeur ? « La sensibilité aux relocalisations est grande dans les secteurs industriels qui font l’objet aujourd’hui de toutes les attentions. Mais, du discours aux faits, le cycle est long » analysait Pascal Bovero, Délégué général de l’UNIIC, dans une interview donnée à Culture Papier en août 2020. Selon lui, « la communication responsable doit intégrer la relocalisation des flux, vu les conséquences que ces activités ont sur les compétences et l’emploi ». « Il faut toutefois convaincre les metteurs sur le marché qu’éco-conception, analyse de cycle de vie, pédagogie active du support et circuits-courts doivent être combinés pour faire de l’imprimé intelligent, le garant du mieux disant » ajoutait-il.

 

Logo créé par l’UNIIC et l’IDEP à l’occasion de la DRUPA 2016

En d’autres mots, le Made In France ne se suffit pas à lui-même. Les nouvelles exigences de circularité et de moindre impact environnemental sont à considérer sur le même niveau. Un écho à l’idée d’Éric Mugnier, Associé Performance & Transformation Durables, EY France, développée dans un précédent article.  Celle d’apprécier les enjeux d’une campagne de communication « avec une vision plus holistique ». Une vision « qui intègre des critères d’efficacité et d’impact global sur le territoire, en termes d’activité, d’emploi, d’environnement ».

Une marge de progression significative dans le papier

Dans le pays où les imprimeurs ont modifié leur modèle économique depuis vingt ans, la dimension environnementale dépasse les seules frontières françaises. Pascal Genneviève, Président de la branche papiers-cartons de FEDEREC ces sept dernières années [4], dresse un état des lieux du recyclage des papiers graphiques. Et plus particulièrement sur les prospectus. « On sait que les imprimés publicitaires faits en France le sont sur du papier issu majoritairement du recyclage ». Le rapport de l’ADEME sur le gisement des papiers graphiques [5] fait état d’un taux de recyclage 70 %. Celui d’EY sur l’empreinte socioéconomique de l’écosystème du papier graphique en France, va jusqu’à 80 % pour les prospectus.

« Pour autant, des phénomènes de dumping, avec la mise sur le marché de bobines à base de fibres vierges venues du Canada ou de Russie. Ils perturbent la filière en limitant l’écoulement de papier issu du recyclage fabriqué en Europe et en introduisant dans la filière des fibres additionnelles ». En d’autres termes, rechercher le moins-disant économique n’est pas toujours une bonne idée quand il s’agit de souveraineté nationale ou européenne. L’expert de FEDEREC en appelle en conséquence les donneurs d’ordres à « acheter d’abord européen et recyclé ».

Dans les faits, le tonnage de papier mis en œuvre en France (pour imprimer les 78 % d’imprimés publicitaires sur notre territoire) représente 564 000 tonnes quand le solde importation/exportation de papier est de 371 400 tonnes [6]. Le Made in France pourrait donc être amélioré de 35 %. Une belle marge de progression.

Le MIF est aussi un gage de qualité

Un appel que soutiendra certainement Norske Skog Golbey, dernier producteur national de papier journal et leader européen sur son marché. L’entreprise vosgienne produit un papier constitué quasiment exclusivement de matières premières issues des papiers collectés auprès des ménages français. Linda Omland, Directrice Commerciale et Marketing de l’usine de Golbey l’assure, « le Made in France est plus facilement valorisable auprès des acteurs français, en dépit d’un marché du papier journal largement mondialisé. Le MIF est de plus reconnu comme un gage de qualité au-delà de nos frontières, au sein de l’Union Européenne ».

La grande majorité des flyers étant imprimés en France, le rapatriement de l’impression d’un volume additionnel de prospectus publicitaires sur le territoire national représenterait une opportunité sérieuse pour le papetier vosgien, qui voit ses ventes de papier journal baisser de 7 % par an depuis plusieurs années, et qui vient d’investir 250 millions d’euros pour se diversifier dans le packaging.

« L’imprimé publicitaire est reconnu pour ses impacts socio-économiques positifs auprès du consommateur final. Il est le support de communication privilégié que la grande distribution devra déployer largement dans ses stratégies drive-to-store dans les mois à venir » souligne, Muriel Caniez, Directrice de la branche France Benelux de Norske Skog Golbey. « A nous, en tant que représentant de la filière, de montrer que c’est un média est un support vertueux, respectueux de l’environnement. Il a tout à fait sa place dans les stratégies de communication actuelles aux côtés des outils digitaux ».

Les SCOP à la manœuvre

S’il en est qui sont particulièrement sensibles à l’évolution du Made In France, ce sont bien les SCOP. Nathalie Jammes, Déléguée Générale de la Fédération des Scop de la Communication rappelle que « la nature intrinsèque des entreprises coopératives, est d’agir sur le territoire, sans jamais délocaliser leur production ». Elle observe avec attention les initiatives telles que celle menée par Système U. Elle souligne aussi le rôle majeur du consommateur final. « Nous sentons bien qu’il y a une envie de consommer plus français, plus local. Nous invitons les consommateurs à privilégier les marques qui partagent cette valeur. Sinon, les donneurs d’ordres continueront à se tourner vers le moins-disant économique ».

La fédération a d’ailleurs publié pendant le premier confinement son manifeste pour le monde d’après, qui présente les avantages et les valeurs du système coopératif. Des valeurs qui existent depuis le XIXe siècle ! « Dans l’économie nous sommes une goutte d’eau, mais nous espérons une prise de conscience plus forte et une recherche pour plus de sens au travail » conclut Nathalie Jammes.

En conclusion, en matière de création et production de prospectus, la France a donc tous les atouts pour assurer une prestation de haut niveau. Economique, sociale et environnementale. La balle n’est pas tant dans le camp des pouvoirs publics que dans celui des consommateurs, qui auraient beau jeu de consommer français. Pour peser sur les marques et à plus forte raison sur le dynamisme économique local.

 

Le Made in France et l’économie circulaire

Conserver et développer une chaine de valeur et un savoir-faire Made In France autour du prospectus, c’est le penser sur l’intégralité de ses étapes. Y compris la dernière. Actuellement se joue un bras de fer dans l’une des dernières usines françaises de recyclage de papier à la Chapelle d’Arblay, qui, après 92 ans de service, a cessé ses activités en juin 2020.

Le Huffpost a consacré un article au combat que mènent les salariés du groupe finlandais UPM, les « pap Chap » pour maintenir une activité dont ils sont fiers, et qui contribue au Made In France de la filière papier. Seul site français produisant du papier journal 100 % recyclé, ses capacités de traitement et de recyclage sont de 480 000 tonnes par an. Des volumes permis par le geste de tri de 24 millions d’habitants aux alentours.

► Découvrir l’article

 

[1] Enquête OpinionWay  pour l’agence Insign, juillet 2020.

[2] Etude « Les Français et le Made In France » pour ProFrance (mise à jour en 2018).

[3] Baromètre Shopper in-Store Media, IPSOS, 2019.

[4] Stéphane Panou lui a succédé en juin 2020.

[5] Actualisation 2018 des flux de produits graphiques en France, ADEME.

[6] Actualisation 2018 des flux de produits graphiques en France de l’ADEME (voir page 26), ADEME.

Le prospectus Made In France : peut-on faire plus et mieux ?